Le Groupe d'Etudes et Recherches Sous-marines (G.E.R.S)
De mars 1966 à avril 1967 par Alain Barrière.
Les publications concernant la
plongée dans la Marine Nationale pourraient laisser croire qu'il ne s'est rien passé entre 1958 et sa
dissolution en 1974 en donnant naissance aux GISMER et COGISMER. Ceci est dû probablement à une discrétion toute militaire et à des commandants n'ayant pas le talent médiatique de leur illustre prédécesseur le commandant
Cousteau. De mars 1966 à avril 1967, après les EOR à Brest, j'ai choisi de servir au GERS, ce texte porte témoignage de cette
période.
L'état major
Le commandant
Le 4 octobre 1965 le GERS avait officialisé la table de
plongée GERS 65 valable pour des
profondeurs de 40 à 80 mètres, avec une vitesse de
remontée de 17 mètres par minute. Elle annulait une précédente table, publiée avec la « Spirotechnique », valable de 19 à 91 mètres avec une vitesse de
remontée de 20 mètres par minute. Cette dernière si elle était bien supportée par des hommes jeunes et bien entraînés, avait été la cause d'accidents sur des personnes ne répondant pas à ces critères. La préoccupation en 1966 était de calculer et tester une table sûre pour les
plongées de 85 à 110 mètres avec d'autres
mélanges à respirer que l'air, l'azote devenant toxique au-delà de 85 mètres. Tout interlocuteur franchissant la porte du bureau du commandant avait droit à une explication de principe de la
saturation des
tissus du corps humain, qu'il illustrait d'une courbe d'allure hyperbolique.
De fait le programme d'expérimentation était très dur, avec des hommes passant des heures dans l'eau du
caisson pressurisé, avec ou sans efforts à faire, avec de l'eau refroidie par des barres de glace ou de l'eau chaude.
(Photo du second maître Schmitt sortant du
caisson d'expérimentation.)
Le commandant en second
Il était également commandant de l'aviso « Ingénieur Elie Monnier » (ex remorqueur « Albatros » dans la marine allemande et attribué à la France comme dommage de guerre).
Plongeur démineur il pilotait les expériences en
mer et supervisait les équipes de
plongeurs affectés aux expériences, auxquelles il prenait une part active.
L'Elie Monnier armait une tourelle Siebe Gormann avec sas de sortie pour les
plongeurs et une tourelle d'observation « GALEAZZI ». Il était équipé d'un
caisson thérapeutique multiplace. Les tourelles étaient mises à l'eau avec le mat de charge arrière
(Photo le bâtiment d'essais Elie Monnier, origine probable Marius
Bar)
Les médecins
Trois médecins étaient affectés au GERS, deux médecins de première classe et un aspirant ayants en charge les expérimentations sur un
caisson multiplace comportant une cuve en eau. Un autre
caisson multiplace à sec, semblable à celui de l'Elie Monnier était réservé aux traitements d'accidentés de la
plongée et aux tests.
Il y avait peu de médecins spécialistes de la
plongée en 1966 et l'un des médecins avait déjà publié de l'ordre de 14 communications sur ses expérimentations en
caisson hyperbare. De ses tartarinades de carré il paraissait ne pas être loin de penser qu'il était le meilleur français de la spécialité, la postérité n'a retenu que le nom de son concurrent direct de la
COMEX, qui disposait aussi de moyens privés plus importants. Ayant eu un différent avec lui, à propos du comportement du matelot infirmier, il m'avait signifié que son point de vue était le meilleur, il suffisait de compter les galons sur nos épaulettes respectives.
Pour être complet, il conduisait avec compétence la vérification des tables de
plongée avec des hommes après avoir fait des tests préliminaires sur animaux en variant les paramètres d'environnement. Il avait compris que les tables devaient intégrer une population plus large que le jeune sportif, que l'effort, le
froid ou le chaud, le stress fragilisaient les individus et que les tables devaient en tenir compte. Tous les jours il conduisait des
plongées de vérification en
caisson à es
profondeurs de 90 à 110 mètres, et parfois des
plongées exploratoires au-delà sans aucun incident même mineur.
L'activité principale du
caisson thérapeutique était de tester les personnels de la Marine destinés à passer des brevets de
plongée, ainsi que les futurs équipages de
sous-marins. Cette activité permanente était interrompue par le traitement des accidentés de
plongée, s'ils ne décédaient pas pendant le trajet depuis le site de l'accident. (Pour la
méditerranée il n'y avait que deux sites de re-compression). L'accidenté est re-comprimé à une
pression équivalente à la moitié de la
profondeur atteinte pendant la
plongée lors de l'accident, puis est ramené lentement à la
pression ambiante en utilisant une table spéciale et
respiration d'oxygène en dessous de neuf mètre. Le
caisson est équipé d'un sas qui permet d'avoir toujours une personne auprès du malade en se relayant. J'ai personnellement participé à l'assistance de trois accidentés. Le premier était un corailleur qui plongeait à 110 mètres avec une table de son invention et de longs
paliers à l'oxygène. Il est arrivé hémiplégique et est reparti sur ses deux jambes jusqu'à une fois suivante.
Le deuxième était un EV2 démineur à l'école de
plongée de Saint Mandrier, dont le
détendeur Cousteau Gagnan s'était bloqué à 60 mètres. Avec un sang
froid admirable il avait réussi à remonter en respirant sur sa
bouée (PA 61). Heureusement pour lui, le chasseur de l'école était équipé d'un
caisson monoplace se fixant sur le
caisson thérapeutique du GERS, ou il a fait en toute
sécurité sa
remontée fictive à vitesse lente. Le troisième était le commandant en second du GERS, dont nous venons de faire connaissance, pris de douleur au genou après un exercice démineur à 60 mètres. La VP 771 utilisée pour cet exercice et que j'avais le privilège de commander, était également équipée d'un
caisson monoplace.
Un médecin aspirant assistait les deux médecins cités, en particulier pour la conduite des
caissons hyperbares. Les
plongées fictives profondes 110 m et plus, se faisaient avec des
mélanges comportant des gaz rares.
Les pharmaciens chimistes
Les tables de
plongée GERS 65 avaient été calculées à la main en faisant la synthèse de trois natures de
tissus composant le corps humain, les muscles par exemple ne se saturent pas à la même vitesse que les
tissus adipeux...etc. Pour les nouvelles tables, il a paru judicieux d'ajouter un quatrième
tissu de vitesse de récupération intermédiaire ce qui compliquait le calcul. A partir des années 60 les
ordinateurs ont commencé à être accessibles. C'étaient d'énormes machines dont la capacité de calcul était cependant inférieure à un portable d'aujourd'hui. Le pharmacien chimiste, avec l'aide de scientifiques du contingent, programmait les formules d'absorption des gaz par les
tissus pour déterminer la durée des
paliers à respecter en fonction de la
profondeur atteinte et de la durée de la
plongée. Ces formules reprenaient le travail de
Haldane avec des corrections issues de l'expérimentation.
Le pharmacien chimiste de première classe avait aussi la charge de préparer les
mélanges respiratoires de
plongée en remplaçant l'azote par un gaz neutre et plus léger comme l'hydrogène ou l'hélium. Il assurait les quantités nécessaires au fonctionnement des
caissons d'expérimentation et pour les Mixgers en essais à la
mer.
Branche énergie
Le blockhaus servant de base au GERS abritait un parc de machines outils ayant servi en d'autres temps à réaliser les prototypes d'appareils de
plongée et divers
matériels (entre autres : le
détendeur Cousteau Gagnan, l'Oxygers, les Mixgers, traîneaux pour nageur de combat..). L'équipe assurait la production de l'air comprimé nécessaire aux
caissons et au
gonflage des bouteilles de
plongée. Ils utilisaient deux
compresseurs JUNKER, remarquablement silencieux, récupérés sur un
sous-marin allemand. Plus important ils préparaient le futur en rédigeant le cahier des charges de ce qui allait devenir le bâtiment d'expérimentation « Triton », ainsi que des tourelles de
plongée pouvant se connecter directement sur un
caisson de vie en
saturation embarqué sur ce bâtiment.
Le LV en charge avait pour assistant un EV1 qui assurait la mise au point d'une vanne commandée. L'idée était de remplacer les
paliers fixes traditionnels dans les
décompressions en
caisson, par une fuite contrôlée assurant un temps de
décompression le plus court en suivant au plus près les courbe de dé-saturation calculées par le pharmacien chimiste.
Chef de quart
Ex « motor launch » anglaise HDML 1132, puis VP8 dans les FNFL, la VP 771 a été le premier bâtiment du GERS. En 1966, sous mon commandement, elle sortait en
mer plusieurs fois par semaine pour des essais de
matériel de
plongée (Blocs prototypes ; Mixgers, téléphone
sous-marin, combinaisons mouillées, sèches chauffantes, télévision sous marine...) ; pour maintenir les aptitudes
plongeurs, former les nouveaux aux différent
matériels. A la fonction de commandant de la vedette, ma fonction était complétée par le rôle de
plongeur de bord et la fonction de chef du service intérieur. Le GERS recevait beaucoup de courrier et publiait de nombreux rapports d'essais, le secrétariat était une activité prenante. C'est cette activité de documentation que j'ai illustrée et qui m'a valu de figurer comme assistant dans la publication du livre « La
plongée dans la Marine Nationale » réédité par Arthaud en 1967.
Quelques essais en mer.
Exploration
L'exploration des fonds ou la recherche d'objets posés au fond comme les mines, était un problème non résolu. La VP était équipée d'une vitesse lente «
plongeur ». Une
gueuse de 20 kg était descendue à 50 cm du fond et amarrée à une bitte. De la
gueuse partaient deux bouts de cinq mètres avec à chaque extrémité un
plongeur, la vitesse adaptée évitait que le
masque ou l'embout de
respiration ne soit arraché. Cette technique artisanale permettait de balayer une bande de 30 mètres voire plus si la visibilité était bonne et a servi à déminer une bonne partie du littoral. Divers types de traîneaux ont aussi été testés avec plus ou moins de bonheur.
Avec l'arrivée de la télévision, l'idée est naturellement venue de remplacer l'homme par une caméra. Le problème était rendu délicat par le volume important des caméras de l'époque. Pour contourner le problème les électroniciens avaient eu l'idée de séparer l capture d'image de l'amplification et de l'alimentation. Compte tenu des consommations électriques de ces caméras et de la faible capacité des batteries au plomb il fallait alimenter la caméra depuis la surface. C'est donc un câble de 18 brins (environ) qui reliait la partie immergée aux installations de surface. L'étanchéité de la prise immergée et des différents conducteurs qui la traversaient ont été un problème constant, une traction trop forte sur le câble dessoudait les liaisons. Sur la
photo on voit une opération de contrôle du câble. A gauche, appuyé sur le grillage on distingue un panneau avec un flotteur cylindrique et deux arceaux. C'est le traîneau porteur de la caméra enfermée dans un conteneur étanche fixé entre les arceaux de protection contre les chocs. L'ensemble du panneau chargé de la caméra avait une
flottabilité positive compensée par une chaîne accrochée au bas du panneau. L'ensemble complet avait une
flottabilité négative. A la mise à l'eau l'ensemble sombrait jusqu'à ce que le
poids des maillons non posés au fond équilibre l'équipage. La hauteur de la caméra par rapport au sol était ajustée par un câble interposé entre la chaîne et le bas du traîneau. Cet astucieux bricolage fonctionnait par fond à peu près plat, le champ de visibilité était étroit, environ 10 mètres sans aucune possibilité de manœuvre latérale. Il fallait souvent reprendre les étanchéités et soudures, travail récurrent pour l'EV1 recherche scientifique.
Vers la fin de l'année 1966 une société civile est venue proposer en test un robot télécommandé équipé d'une caméra miniaturisée et d'un bras manipulateur ? C'était le premier essai de ce qui allait devenir le PAP, robot équipant tous les bâtiments base de
plongeurs démineurs. Le GERS aurait pu prendre en main un tel développement, ayant des moyens techniques et humains suffisants ; mais avec peu de chances d'arriver à un produit compétitif en coût. Savoir faire appel à la sous-traitance n'était-elle pas la marque d'une
vision d'avenir ?
Matériel de plongée
Le programme de sortie de la VP était établi en fonction des essais d'amélioration de confort d'utilisation de l'Oxygers, outil de travail des nageurs de combat ou de l'étude de développement du Mixgers, plus particulièrement destiné aux
plongeurs démineurs et la
plongée profonde. Les
plongeurs d'essais et leurs accompagnants profitaient de ces
plongées pour emporter en essai des petits
matériels :
montres, bathymètres,
compas, détendeur à deux étages,
gilets ascensionnels,
palmes, masques etc... Le GERS plongeait par tous temps, été comme hiver ce qui permettait de détecter des problèmes de givrage et demander des corrections aux fabricants. Oxygers et Mixgers ont conduit à concevoir et perfectionner le
gilet ascensionnel qui a remplacé la
bouée couronne type PA 61. Il s'est rapidement imposé chez tous les
plongeurs, civils et militaires. Pour les petits appareils de poignet, l'utilisation en
mer permettait de juger de leur lisibilité et aisance de manipulation. Les tests d'étanchéité indispensables pour obtenir le label « approuvé par la Marine Nationale » étaient réalisés dans de petits
caissons hyperbares de quelques litres. La méthode sévère consistait à les mettre dans l'eau et à monter la
pression jusqu'à apparition d'eau à l'intérieur. La méthode douce consistait à les mettre en
pression dans l'air et après une
décompression rapide à les plonger dans l'eau, si des bulles se formaient l'appareil n'était pas étanche. En prévision de
plongées profondes le GERS a poussé la recherche de vêtements de
plongée protégeant mieux que le classique habit de
néoprène dit « mouillé » car l'eau est au contact du
plongeur. Nous avons testé des
combinaisons mouillées chauffantes, des batteries se substituant à la
ceinture de
lest, avec des succès divers. La solution finalement retenue a été le vêtement sec avec casque intégral et circuit d'eau chaude, la
COMEX industrialisera cette solution. Le casque présente l'avantage d'assurer une téléphonie sans contraintes. Auparavant nous avions essayé un système de téléphonie utilisable avec un vêtement mouillé classique. Le transpondeur était fixé à la
ceinture, micro et écouteurs étaient intégrés à un
masque facial. Pour parler il fallait retirer l'embout du
détendeur de la bouche, sans décoller le
masque facial du visage. Je n'ai pas oublié une
plongée avec cet équipement. Mon coéquipier était le second maître Menu, un nageur fluide et rapide tout absorbé par la navigation dans un parcours de nage de précision. Nouvellement breveté j'avais du mal à le suivre. Quand en plus il fallait retirer l'embout pour répondre à la surface tout en essayant de ne pas perdre de vue ses
palmes l'épreuve est devenue rapidement physiquement pénible. Il n'en reste pas moins que pour certaines interventions ce système a apporté une solution utile. Pour améliorer le rayon d'action des
plongeurs des recherches ont été conduites sur des propulseurs Un prototype particulièrement léger et rapide a été testé pour la plus grande joie de nos spécialistes sur les côtes de la
Corse lors d'une campagne de l'Elie Monnier.
Prises de vues sous-marines
La DCAN dans sa recherche de réduction de l'image acoustique des
sous-marins avait eu l'idée d'utiliser un écran constitué d'un réseau de bulles d'air. Le Rolland Morillot, avait été équipé de lyres de distribution d'air comprimé autour de la coque. Le GERS a été chargé de filmer la répartition des bulles en immersion et en route.
Avec le commandant du
sous-marin il a été décidé de procéder à immersion périscopique en rade des Oursinières. La VP mouillerait une
bouée près de laquelle se tiendraient les
plongeurs et la caméra sous-marine, le
sous-marin passerait au plus près sans prendre ses barres de
plongée dans l'orin puis ferait un tour pour se présenter pour une nouvelle prise. La présence de coffres d'amarrage dans cette zone inquiétait le commandant du
sous-marin, il fut décidé d'aller voir leur disposition avec la vedette. Nous avons remonté la rangée de quatre coffres et le commandant me dit, « je les ai bien sur ma carte, ensuite l'eau est libre ». Je connaissais bien la zone pour y avoir amené souvent les
plongeurs démineurs pour des exercices à 60 mètres. Nous amarrions la VP à un coffre qui n'était aucun de ceux que nous avions vus. Sur ma remarque, il me dit « vous devez faire erreur, je n'ai pas d'autre coffre sur la carte marine ». J'ai poursuivi ma route vers le large sans essayer d'argumenter et quelques cinq cents mètres plus loin nous avons trouvé au ras de l'eau le coffre que je connaissais bien. Bas sur l'eau à cause des moules accrochées à la chaîne, posé sur un fond de 60 mètres exactement. Le pilote du
sous-marin a pris une engueulade et j'ai été invité le jour de l'exercice à déjeuner en immersion à bord du Rolland Morillot. Le lendemain, l'exercice s'est déroulé comme prèvu, à ceci près que le
sous-marin redoutant de se prendre dans l'orin passait trop loin de la
bouée. Les nageurs ont dû s'en approcher en pleine eau sans bout auquel se retenir. Avec la lourde caméra 16 mm dans son
caisson, c'était un peu acrobatique avec le
risque de se faire aspirer par les hélices. La solution du rideau de bulles n'a pas dû donner des résultats probants sur le polygone d'écoute car je n'ai pas connaissance qu'elle ait été retenue sur d'autres réalisations.
Plongée en mer à 110 mètres.
Une première dans la Marine Nationale
Le décès en
plongée à l'air à 110 mètres du premier maître Fargues le 17 septembre 1947 avait donné un coup d'arrêt à la conquête des
profondeurs par des pionniers ne maîtrisant pas encore tous les mystères des phénomènes de
saturation des
tissus du corps humain et des effets de l'azote
hyperbare. Plus tard la
plongée à l'air a été autorisée avec une limite de 85 mètres. Les calculs du GERS avec des
mélanges à l'hélium remplaçant l »azote toxique à ces
profondeurs ont permis d'établir des tables entre 85 et 110 mètres. Début 1967, les expérimentations en
plongées fictives en
caisson ont été considérées comme terminées et les études attaquaient les tranches plus profondes.
Un matin de Février 1967 l'Elie Monnier a appareillé pour un fond de 110 mètres en vue des « deux frères » deux
rochers caractéristiques au large de Toulon pour une première
plongée en eau libre.
La tourelle Siebe Gorman est saisie, on aperçoit sur la gauche le sommet de la tourelle Galéazzi. Le LV Gay donne les instructions de manœuvre. Le trou d'homme que l'on voit sur le haut de la tourelle Siebe Gorman va être fermé après vérification, c'est une issue de
secours en cas d'incident, l'entrée et la sortie des
plongeurs se fait par une ouverture située sous la tourelle.
Le guindeau est utilisé pour haler les câbles annexes et les canalisations. La tourelle est soulevée par un treuil dédié. Une poulie est frappée dans l'axe du navire pour renvoyer le câble vers le mat de charge. La tourelle est mise à l'eau seule, les
plongeurs la rejoindront à cinq mètres sous la surface. Avec le roulis il se produit des tensions brusques dans le câble tant que la tourelle n'est pas immergée ce qu rend la manœuvre délicate.
Le LV Gay donne les dernières consignes au
plongeur d'assistance qui surveillera le bon déroulement de l'entrée des
plongeurs dans la tourelle, et en fin de
plongée les aidera à sortir et aux
paliers.
La
plongée se fera avec le Mixgers, le second maître Menu procède aux vérifications de ses branchements. Les bouteilles de gaz sont sur le ventre, alors que l'appareil respiratoire est porté dans le dos.
Le premier maître Jaffré est prêt. Il attend le signal de départ. On distingue (mal) sur la
photo la
ceinture de
lest composée de batteries pour alimenter la
combinaison chauffante mouillée.
Les câbles électriques sont enroulés sur un
dévidoir.
Les
plongeurs d'assistance se mettent à l'eau.
La tourelle rejoint la
mer, câbles et tuyauteries sont branchés.
La tourelle est immergée et un essai de fonctionnement est réalisé, avec une chasse d'air pour vider l'espace intérieur.
La tourelle est prête, les
plongeurs équipés du Mixgers se mettent à l'eau, ils vont aller se placer dans la tourelle.
Les
plongeurs se positionnent dans la tourelle.
La
plongée vient de commencer. Arrivés à 110 mètres les
plongeurs sortent de la tourelle pour leur travail au fond, en l'occurrence repérer une ancre perdue par l'Elie Monnier lors d'un précédent exercice. En fin de
plongée ils regagnent la tourelle qui sert d'ascenseur et de réserve de gaz.
Le médecin du bord est prêt à mettre en œuvre le
caisson de re-compression par mesure de
sécurité. En, cas d'urgence les
paliers à partir de 12 mètres peuvent être faits en
caisson, après une
remontée sans arrêt jusqu'à la surface et une re-compression rapide. En temps normal les
paliers jusqu'à 30 mètres sont faits dans la tourelle, ensuite les
plongeurs sortent pour terminer leurs
paliers en eau libre sur le bout de
sécurité et ce jusqu'à la surface.
A leur retour sur l'Elie Monnier, la première
plongée à 110 mètres aux
mélanges et suivant les nouvelles tables de
plongée sécurisées venait d'être réalisée avec succès. Pour être précis il ne s'agit pas là d'un record, mais d'une étape importante entre l'inconscience, souvent sanctionnée par des
accidents et la
plongée en
sécurité pour une large gamme de population ayant à faire des efforts à ces
profondeurs.
Il aura donc fallu vingt ans pour franchir en
sécurité la limite des cent mètres. Ensuite, avec le développement des moyens de calcul et de simulation la pénétration de l'homme sous la
mer s'accélèrera très vite. La Marine Nationale s'associera à la recherche privée de la
COMEX et ses
plongeurs participeront à l'établissement de plusieurs records successifs de
profondeur avec travail en
plongée et de durée en immersion. Puis la
COMEX poursuivra seule ayant des objectifs propres ; mais c'est une autre histoire.
Conclusion
Avec ses moyens peu adaptés, (l'Elie Monnier perdra sa tourelle lors d'une
remontée à bord par rupture de l'attache de la poulie de renvoi entre le treuil et le mat de charge sur un coup de roulis), le GERS en ces années 1966-1967 a préparé la mutation vers plus d'efficacité des groupes de
plongeurs démineurs et de ses héritiers le GISMER et le COGISMER. Le TRITON bénéficiera d'une tourelle se fixant directement sur le
caisson et de dispositifs de levage fiables permettant de faire les
paliers à sec, ou de rester en
saturation entre deux
plongées. Les bâtiments de
plongeurs démineurs, les nageurs de combat seront équipés d'engins de recherche et d'intervention télécommandés, d'équipements plus sûrs ou offrant un plus grand confort. Témoin secondaire et transitoire de cette grande aventure, je voudrais rendre hommage aux acteurs dont j'ai partagé la vie pendant un an.
Capitaine de Frégate Berry, LV Gay, LV Vial, Médecins de première classe Barthélemy, Michaud, Le Chuiton ; Pharmacien chimiste de première classe Parc ; premier maître Jaffré ; seconds maîtres Menu, Schmitt, Le Monnier, Martin et bien d'autres dont les noms m'échappent.
Alain Barrière (ex EV1 chef de Quart)