Aplysia

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Le genre Aplysia, dont les espèces sont souvent appelées aplysie, et de manière plus générale lièvre de mer ou encore lièvre marin, se compose de mollusques gastéropodes à corps nu, répandus dans toutes les mers du globe.

Description et caractéristiques[modifier | modifier le code]

Aplysia dactylomela ; Principales pièces anatomiques externes (numérotées)
1. Tête et bouche
2. tentacule oral droit
3. tentacule oral gauche
4. "œil" gauche (petit point noir)
5. rhinophore droit (tentacule sensoriel céphalique)
6. rhinophore gauche
7. parapode droit
8. parapode gauche
9. Structure formée de deux parapodes, entourant la lamelle dorsale qui est une sorte de coquille internalisée.
Aplysie (Aplysia punctata) à l'aquarium de Rhodes
Aplysia punctata, Port de Crouesty (Morbihan - France).

Les aplysies, de l’ordre des Anaspidea, portent le nom vernaculaire de « lièvres de mer » en raison de leurs rhinophores érigés qui font penser aux longues oreilles caractéristiques des lièvres. Elles peuvent parfois nager au moyen des expansions latérales du manteau[1], qui sont dressées dorsalement au repos. Les aplysies sont munies d'une fine coquille interne, invisible chez l'animal vivant. Certaines espèces peuvent atteindre des tailles impressionnantes, comme Aplysia gigantea ou Aplysia vaccaria, capables de dépasser les 50 cm de long ; cependant, la plupart des espèces dépassent rarement les 10 cm. En Europe, la taille moyenne des aplysies est de 8 cm[2].

L'animal respire par des branchies visibles dorsalement où elles forment une structure ressemblant à un buisson. Ces branchies sont operculées[3].

Les aplysies sont hermaphrodites ; lors des accouplements croisés de deux individus, chacun d'eux emploie successivement l'un ou l'autre de ses sexes. Quand d'autres aplysies voient un accouplement, elles s'y joignent, ce qui conduit à des accouplements collectifs pouvant rassembler un grand nombre d'individus. Dans ce cas, les animaux peuvent mobiliser en même temps leurs organes mâles et femelles.

Habitat et répartition[modifier | modifier le code]

On trouve des aplysies dans toutes les mers du globe, en particulier sur les littoraux riches en algues, dont elles se nourrissent. Par conséquent, ces animaux sont inféodés à la zone photique, c'est-à-dire les premières dizaines de mètres de profondeur.

On les trouve le plus souvent dans les herbiers à zostères (frange littorale) où les animaux viennent pondre.

En France métropolitaine, les espèces les plus courantes sont le Lièvre de mer commun (Aplysia depilans), l'Aplysie fasciée (Aplysia fasciata), l'Aplysie naine (Aplysia parvula) et le Lièvre de mer moucheté (Aplysia punctata). On y trouve aussi des lièvres de mer de la famille des Aplysiidae appartenant à d'autres genres : le Lièvre de mer effiloché (Bursatella leachii) et l'Aplysie à pointes (Notarchus punctatus).

Un mode de défense original[modifier | modifier le code]

Comme certains céphalopodes, les aplysies trompent leurs prédateurs grâce à un jet d'encre. Mais ce mode de défense est chez eux plus élaboré que chez les calmars ou les pieuvres. En plus d'une encre pourpre servant de leurre, une deuxième glande sécrète un liquide visqueux nommé opaline. Cette sécrétion simule une nourriture détournant les prédateurs, telle une langouste, de leur proie. De plus, ce mélange riche en acides aminés perturbe les organes olfactifs (ici les antennes) du crustacé. Ce serait « le premier cas connu d'un système de défense fondé sur l'activation des sens du prédateur » [4].

Des neuroscientifiques étudient les transmissions synaptiques qui sont à la base des mécanismes d'apprentissage chez l'Aplysia[5].

Histoire[modifier | modifier le code]

  • On connaît la dangerosité des sécrétions venimeuses de l’aplysie depuis l’Antiquité ; les auteurs antiques Pline l'Ancien[6] et Plutarque en parlent[7],.

Utilisation en Neurosciences[modifier | modifier le code]

Les aplysies ont joué un rôle important dans l'étude de l'activité électrique des neurones, car leur système nerveux relativement simple ne comprend que 20 000 neurones[8], et que ces derniers sont pourvus d'axones d'une épaisseur exceptionnellement élevée ("neurones géants"), ce qui en fait de bons modèles expérimentaux.

Les recherches sur la neurologie des aplysies ont commencé dans les années 1930 à Tamaris par Antoine Jullien, Zhang Xi, Angélique Arvanitaki et son mari N. Chalazonitis, et se sont poursuivies ensuite à l'institut Marey et à la station marine d'Arcachon par Alfred Fessard, Ladislav Tauc[9], JacSue Kehoe, et enfin Eric Kandel[8] dont les recherches sur les mécanismes de la mémoire chez l'aplysie lui ont valu le prix Nobel en 2000.

Évocations littéraires[modifier | modifier le code]

« ... dans l’aplysie, animal marin très semblable aux limaces, mais respirant par des branchies qui forment une espèce de buisson sur le dos, et qui sont recouvertes par un opercule particulier; le cerveau est placé comme dans le limaçon; mais les filets qui entourent l'œsophage produisent deux ganglions, un de chaque côté, qui sont réunis eux-mêmes par un filet mince[10]. »

— Frédéric Cuvier, Leçons d'anatomies comparées

« C'était un véritable chagrin pour moi d'écraser sous mes pas les brillants spécimens qui jonchaient le sol par milliers, les peignes concentriques, les marteaux, (...) les strombes ailes d'anges, les aplysies[11]... »

— Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers

Liste d'espèces[modifier | modifier le code]

Aplysia argus escaladant des roches à La Réunion.
Aplysia californica hors de l'eau.

Selon World Register of Marine Species (9 avril 2014)[12] :

Selon ITIS (9 avril 2014)[13] :

Références taxinomiques[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. François Cabane, « Aplysie ou lièvre de mer, ou limace de mer », sur le site de l'IFREMER.
  2. Maurice et Robert Burton, Le royaume des animaux, Genève, B. P. C. Publishing, , 212 p., p. 166
  3. Frédéric Cuvier, Leçons d'anatomies comparées, t. 2, 1805, p. 304
  4. T. Love-Chezenet al., J. Exp. Biol., vol. 216, p. 1364-1372, 2013 in Pour la Science, mai 2013, no 427, p. 14
  5. (en) Vincent Castellucci et Eric Kandel, « A Quantal Analysis of the Synaptic Depression Underlying Habituation of the Gill-Withdrawal Reflex in Aplysia », Proc Natl Acad Sci U S A.,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne], Livre XXXII (ch. 23) ; Livre IX)
  7. Conduites méritoires des femmes (en grec ancien Γυναικῶν ἀρεταί) issu des Œuvres morales de Plutarque (Éryxo : Commentaires et traduction de Claude Terreaux, professeur agrégé de lettres classiques Arléa, 2012, page 47 [260e-f]).
  8. a et b Discovering "Aplysia", Eric Kandel () Web of Stories.
  9. Historique du laboratoire de Neurobiologie cellulaire et moléculaire de Gif sur Yvette
  10. Frédéric Cuvier, Leçons d'anatomies comparées, t. 2, 1805, p. 304.
  11. Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers, 1870, p. 160.
  12. World Register of Marine Species, consulté le 9 avril 2014
  13. Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le 9 avril 2014

Bibliographie[modifier | modifier le code]